Erythrée : Issaias Afeworki, héros devenu dictateur
Le président, ancien chef rebelle de 67 ans, parfait arabophone et bon orateur, au pouvoir depuis l’indépendance en 1993, est de plus en plus décrit comme omnipotent et instable mentalement.
Le président Issaias Afeworki, au pouvoir depuis l’indépendance de l’Erythrée en 1993, est passé du statut de héros vénéré de 30 ans de guerre de libération celui d’impitoyable dictateur brisant toute voix dissidente et ayant isolé son pays des bords de la mer Rouge du reste du monde. Issaias, 67 ans, n’a pas toujours été le «dictateur isolé et lunatique» décrit dans un câble diplomatique américain de 2009 révélé par Wikileaks. Dans sa jeunesse, il fut un remarquable chef rebelle, qui tint tête la puissante armée éthiopienne, tour- -tour soutenue par les Etats-Unis et l’URSS.
A son indépendance, le 24 mai 1993, l’Erythrée est vue un comme un modèle d’espoir en Afrique par certaines puissances occidentales. Dans les années 1990, le président américain Bill Clinton citera Issaias Afeworki parmi les «dirigeants de la renaissance» du continent. L’enthousiasme s’évanouit vite: le président érythréen, admirateur de Mao depuis qu’il a suivi une formation politique en Chine durant la Révolution culturelle, renforce le pouvoir du parti unique, le Front populaire pour la démocratie et la justice (FPDJ) et dans les années 2000, soutient divers groupes rebelles de la Corne, notamment les islamistes somaliens.
Issaias Afeworki est né en 1946 dans une famille chrétienne Asmara, capitale de l’Erythrée, ex-colonie italienne alors passée sous administration britannique durant la Seconde Guerre mondiale. Parti faire des études d’ingénieur Addis Abeba, il rentre 20 ans en Erythrée, annexée quelques années plus tôt par l’Ethiopie, et rejoint la rébellion séparatiste naissante. Grand, bel homme, intransigeant, il gravit peu peu les échelons pour prendre le commandement du Front populaire de libération de l’Erythrée (FPLE), dont l’organisation impressionnante (...)